Metz Martin Steffens, philosophe, alerte sur les risques d’une société masquée

Ils ne sont ni médecins ni épidémiologistes. Leur rayon, c’est l’observation du réel à travers l’œil de la philo. Martin Steffens et Pierre Dulau, profs messins exilés à Strasbourg, ont publié Faire face, un essai stimulant sur les dérives d’une société entre masque et vaccin. Entretien avec Martin Steffens.
Olivier JARRIGE - 06 juil. 2021 à 07:00 | mis à jour le 15 juil. 2021 à 17:26 - Temps de lecture :
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Martin Steffens, prof de philo, chroniqueur à la Vie, auteur de Faire face, avec Pierre Dulau, autre prof de philo messin.  Photo RL /Gilles WIRTZ
Martin Steffens, prof de philo, chroniqueur à la Vie, auteur de Faire face, avec Pierre Dulau, autre prof de philo messin. Photo RL /Gilles WIRTZ
Cet essai, Faire face, alerte des risques d’une société masquée. Mais ça y est, les masques tombent. A-t-il encore du sens ?

- Notre souhait à tous les deux, Pierre Dulau et moi, c’était de voir l’obsolescence rapide de ce livre. Mais non, il arrive trop tard. Alors que son inefficacité en plein air est reconnue, beaucoup de gens le gardent. Cela nous interroge. Il y a là quelque chose du fantasme d’invisibilité. Aujourd’hui, le modèle qu’on nous présente pour lutter contre la pandémie, c’est la Chine. C’est le règne du masque, de l’anonymat. Avec le masque, on devient des momies indifférentes.

Derrière le masque, il y a des décisions prises au nom de la science…

- Victor Hugo disait déjà : « bientôt les experts nous soulageront du politique ». Lénine parlait des scientifiques. C’est fascinant. Les gens ne croient pas ce qu’ils voient. On parle de l’état d’urgence sanitaire (avec ses contraintes) comme d’une parenthèse, mais l’Histoire n’est pas un livre ! Elle ne les referme pas. 

Ce que vous reprochez, c’est une forme de manipulation ?

« Tout ce qu’on nous dit, depuis le début, c’est du chantage. On nous dit : « C’est le masque ou la mort », comme on disait « la bourse ou la vie ». Mais c’est toujours déséquilibré. On est toujours moins dans la liaison sociale, dans la dépression. En réalité, on n’est pas dans un régime de l’Ordre. On est dans la multiplication des petits chefs qui disent : « Moi, je ne veux pas d’histoires ». Mais l’histoire, c’est le consentement au risque. Le principe de précaution est le contraire de la vertu de la prudence. »

On va vous reprocher d’être contre le masque, donc pour la maladie…

« Ne pas tomber malade n’est pas le but de la vie. Si on pense qu’un humain, c’est une solution unique à un problème unique, on se plante. Oui, avec le masque, on peut voir une vieille personne. Mais ce qui se joue, c’est la perte de l’essentiel, des relations. On a fait semblant de croire qu’une vie confinée est possible. »

Du coup, vous êtes aussi contre le vaccin pour tous…

« Le vaccin est la continuation du masque par d’autres moyens. Si le vaccin devient la condition de la relation à l’autre, ce sera terrible. Aujourd’hui, les non-vaccinés sont présentés comme bêtes et meurtriers. C’est le retour de la communauté qui fonctionne sur l’exclusion, du bouc émissaire qui l’aura bien cherché. On recrée des inégalités. On n’a jamais fait confiance à l’intelligence collective. »

Le fond spirituel de cette pandémie, c’est aussi notre rapport à la mort. On se voudrait éternellement jeunes et le virus nous rattrape.

« C’est une maladie de baby-boomers, qui avaient exclu de mourir. On a peur de la mort parce qu’on veut l’exclure du champ de la vie. En interdisant les contacts dans les Ehpad, on a gagné de l’espérance de vie en ruinant l’espérance dans la vie. Il y a pire que de mourir pour une grand-mère d’avoir reçu un câlin ! »

Faire face , Martin Steffens et Pierre Dulau, éditions Points de bascule.